C’était plein d’émigrés qui couchaient dans les loges… Le tailleur et raccommodeur était un général tsariste ; le cuisinier, un pope ; le chef machiniste, un colonel cosaque. » C’est ainsi que l’acteur Charles Vanel a décrit, dans ses mémoires, l’effervescence qui a agité un hangar de Montreuil au début des années 1920. Au 52, rue du Sergent-Bobillot, sous la houlette de Joseph N. Ermolieff, l’industrie cinématographique russe tentait de survivre à la révolution d’Octobre.
Joseph N. Ermolieff, né en 1889, a été embauché en 1907 par la filiale moscovite de Pathé. D’abord projectionniste, puis directeur, il finit par créer sa propre compagnie, la Société Ermolieff.
Fuyant la nationalisation du cinéma par les bolcheviks, Ermolieff arrive à Paris en 1920. Là, il reprend contact avec Pathé, qui lui loue un hangar à Montreuil. Puis, il s’associe à Alexandre Kamenka, homme d’affaires russe arrivé en France en 1918. La Russie est alors à la mode, et les deux hommes profitent de la veine orientaliste pour montrer au public ce que l’on attend d’eux ; un univers rempli de princesses, de tsarines, où le Japon se mêle à l’Arabie, à la Chine ou à la Russie. Le succès est immédiat.
En 1922, Ermolieff et Kamenka se séparent. Les Films Ermolieff deviennent les Films Albatros que dirigera Alexandre Kamenka. Ce dernier privilégie le travail des émigrés russes installés en France (Volkoff, Mosjoukine, Tourjansky...) mais s’ouvre également à de grands metteurs en scène français
Mais, dès le milieu des années 1920, l’Albatros est à la peine face au cinéma commercial hollywoodien. L’arrivée du parlant à partir de 1927 signe la mort de la société. Alexandre Kamenka produira néanmoins les Bas-Fonds de Jean Renoir, avec Jean Gabin et Louis Jouvet en 1936.
Pour ce début d’année, La Fondation Jérôme Seydoux Pathé a choisi de donner un coup de projecteur sur cette période fertile de l’histoire du cinéma. Seize films seront présentés. Des grands classiques de l'avant-garde française d'une qualité unique.