Bien des artistes ont exercé et continuent d'exercer une observation et une analyse sur leur art, leur pratique, leur pensée, leur portée. Le cinéma n'a pas échappé à cette réflexivité. Dès ses débuts le cinéma prend pour motif le cinéma, instaurant même au fil des décennies un genre à part entière : le métafilm.
En 1901, l'anglais Robert W. Paul réalise The Countryman and the Cinematograph qui met en scène un paysan confronté à sa première vision d'un film projeté, provoquant stupeur et frayeur. La même année, dans The Big Swallow de John Williamson le spectateur assiste à l'ingestion de la caméra et de son opérateur par un homme qui, curieusement, continue d'être filmé après l'engloutissement… La fascination et l'inventivité que suscite le cinéma poussent des réalisateurs à exposer les dispositifs cinématographiques et les coulisses d'un métier balbutiant, mais également à exprimer un discours critique. Léonce Perret est en France l'un des plus prolifiques ; il réalise plusieurs films dévoilant l'envers du décor, ne résistant pas au plaisir de se mettre lui-même en scène comme dans Léonce cinématographiste (1913). Dans Le Mystère des roches de Kador (1913), il octroie même au cinéma une fonction thérapeutique puisque le cinématographe sert d'outil à la psychothérapie.
Le sujet inspire autant Segundo de Chomon, Louis Feuillade, Dziga Vertov que Mack Sennett, Charlie Chaplin ou Buster Keaton. Le cinéma est le décor de comédies : Sherlock Junior (1924), The Cameraman (1928) pour les plus connus, ou encore Filmens Helte (1928) qui raconte les péripéties cinématographiques des deux comiques danois Double-Patte et Patachon. Il est aussi le lieu où les drames se nouent, dans Shooting Stars (1928) une actrice élabore un plan pour assassiner son mari pendant un tournage, alors que le montreur d'ombres de Schatten (1923) projette les pires cauchemars lors d'un spectacle d'ombres chinoises. Dans Show People (1928), King Vidor brosse le portrait du Hollywood de la fin de l'ère du cinéma muet. De nombreuses personnalités y jouent avec leur image publique : Marion Davies se dédouble (Peggy, son personnage de fiction moque Marion Davies l'actrice), John Gilbert est plus enjôleur que jamais, Charles Chaplin n'est pas reconnu, Louella Parsons, la journaliste « vipère de Hollywood », écrit ce qu'on lui dicte, et King Vidor lui-même conseille à un acteur de ne pas prendre la grosse tête.
À travers ces films d'une étonnante variété, le cinéma démontre sa capacité à écrire lui-même sa propre histoire et à préserver sa mémoire.
Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).