Né à Paris en 1869, au sein d’une famille aristocratique, Camille de Morlhon est une figure méconnue de l’histoire du cinéma. La Fondation propose de redécouvrir cette personnalité à part ayant marqué les débuts du septième art, à travers un cycle d’une trentaine de longs et de courts métrages convoquant des genres très variés, de la féérie à la comédie sentimentale en passant par le drame social et l’anecdote historique.
En 1895, le jeune Camille devient secrétaire à l’ACF (Automobile-Club de France) où il côtoie le milieu mondain qu’il représentera plus tard dans ses films, et rencontre des personnalités influentes comme Henry Deutsch de la Meurthe, philanthrope industriel qui va l’aider à devenir auteur de théâtre. Il y fait également la connaissance de Léon Gaumont qui lui propose d’écrire et de réaliser un premier film. Ce récit d’un père s’accusant du vol de son fils aboutira toutefois à un échec en raison de sa résonnance avec l’affaire Dreyfus.
C’est à partir de 1908, sous la houlette de Charles Pathé et Ferdinand Zecca, que Camille de Morlhon fait ses véritables débuts au cinéma. Il réalise pour la célèbre firme au coq des films de tous les genres avant de s’imposer dans l’anecdote historique et le drame. En quête d’indépendance, il est l’un des rares cinéastes de l’époque à créer sa propre maison de production, Les Films Valetta, en 1912. En 1917, il fonde également la SAF (Société des Auteurs de Films) qui défend les droits des auteurs. Entièrement consacré à cette mission, il délaisse peu à peu sa carrière de réalisateur.
S’il est l’auteur de nombreux scénarios originaux, le cinéaste adapte aussi des œuvres théâtrales et littéraires telles que Britannicus (1912) d’après Racine, Don Quichotte (1913) en hommage à Miguel de Cervantès, ou encore Miséricorde (1917) inspiré du roman Madeleine d’Octave Pradels. Camille de Morlhon revisite ces histoires à sa manière comme dans Expiation (1918), adapté de la nouvelle Le Champ d’oliviers de Guy de Maupassant, où il n’hésite pas à changer l’ordre du récit, transformer certains personnages et rendre la fin plus explicite.
De ses études au pensionnat des frères Saint-Jean de Passy, Camille de Morlhon conserve une passion pour l’Histoire, plus particulièrement celle de son pays. À la fin de sa carrière, il écrira d’ailleurs des reconstitutions historiques pour la radio. Le plus souvent, il en livre une version personnelle comme dans Fouquet, l’homme au masque de fer (1910), où la réalité des faits se mêle à la fantaisie et la chronique amoureuse. Il s’est notamment intéressé à la figure de Marie-Antoinette, comme en témoigne le programme de films qui lui est consacré.
La question de l’argent traverse également les films du réalisateur : dans L’Orage (1917), il représente ainsi le milieu de la finance de manière réaliste, allant jusqu’à filmer l’extérieur de la bourse où les acteurs se mélangent à la foule des passants. Le film relate la faillite du banquier Robert de Charny, trahi par son employé Jean Livernois. Bouleversé par la ruine de son père durant son enfance, Camille de Morlhon en a fait un thème récurrent de son œuvre (Le Dévouement d’une sœur, La lettre).
La figure du double, également très présente chez le cinéaste, prend plusieurs formes. Il n’est ainsi pas rare de voir ses acteurs interpréter deux rôles à la fois : c’est le cas dans Marise (1916), où Marise Dauvray incarne à la fois Marie-Louise Dupin, jeune femme sans le sou, et Marise Sorrenti, courtisane à la mode. Camille de Morlhon se distingue de ses confrères en tournant simultanément, avec un casting et un décor identiques lui permettant d’économiser de l’argent. La Broyeuse de cœurs et La Calomnie sont ainsi tournés de concert en 1912-1913 dans les Pyrénées, de même que La Fleuriste de Toneso et L’Escarpolette tragique, filmés la même année à Nice avec une de ses actrices favorites, Léontine Massart.
Camille de Morlhon témoigne enfin d’une curiosité particulière pour les lieux exotiques. En 1911, il reconstitue à Vincennes les jardins suspendus de Babylone pour le film Sémiramis (1911). La même année, il part en Algérie et tourne en décors naturels, avec des acteurs du pays, une série de neuf films, dont L’Otage et Le Fils prodigue. En 1930, il va également en Roumanie, où il filme Roumanie, terre d’amour. Cette dernière œuvre sonore sera exceptionnellement présentée durant le cycle dans une version numérisée à partir d’une copie offerte par l’archive roumaine au CNC alors que le négatif est perdu.