À l’occasion de la parution de son livre L’Attrait de la fête foraine (Yellow Now, 2022), Théo Esparon présente Anticipation of the Night de Stan Brakhage, film entièrement muet de 1958, précédé de Prater de Friedrich Kuplent de 1929. Les deux films, par leur caractère amateur, donnent de la fête foraine une vision subjective et sauvage qui en fait l’origine de l’expérimentation du cinéma.
Photo: Austrian Film Museum, Vienna
Le cinéma est né dans la fête foraine alors qu’elle se modernise au crépuscule du XIXe siècle. Cette parenté indique un désir commun : exciter la vue et façonner une expérience du mouvement et de l’extraordinaire, faire de ce que l’on voit ce que l’on vit. Dès lors, que fait la fête foraine au cinéma quand elle surgit dans le film ? Pour élucider cette question et cerner cette intime relation, L’Attrait de la fête foraine revient largement au cinéma muet des années vingt, d’abord occupé à embarquer la caméra dans l’attraction : Cœur fidèle de Jean Epstein (1923) et Entr’acte de René Clair (1924) font valser l’horizon. Dès la fin de ces années, la fête foraine est un motif canonique (futuristes comme soviétiques s’y sont intéressés), au risque d’exister seulement comme prétexte à des plans étonnants.
Friedrich Kuplent parcourt le Prater (1929) et, pour traduire ce qu’il nomme « l’orgie » sonore et visuelle, éventre les plans en leur centre et colle des vues en un kaléidoscope d’images. Trente ans plus tard, Stan Brakhage renoue avec cette beauté farouche de la fête foraine et la poésie du cinéma des années vingt : son film Anticipation of the Night (1958) est totalement muet, sans aucun son, et alterne frénétiquement des enfants qui tournent sur un manège, emportés par une pluie lumineuse dans la nuit, des trajets nocturnes et un jardin vif et clair. Les deux films, par leur caractère amateur, donnent de la fête foraine une vision subjective et sauvage. Ils rapprochent l’expérience foraine de la vie quotidienne et en font l’origine de l’expérimentation, toujours libre, du cinéma.
Théo Esparon
Projection en ciné-concert de
Prater de Friedrich Kuplent (1929, 13')
Copie 35 mm en provenance du Filmmuseum de Vienne
suivi de
Anticipation of the Night de Stan Brakhage (1958, 41')
Copie 16 mm en provenance de Lightcone
Théo Esparon prépare une thèse à l’Université Paris-Nanterre sur la collection d’art et les films de Josef von Sternberg. Ses recherches mettent en relation le cinéma et les autres arts. Il a travaillé à la préparation d’expositions et de programmes de films (Musée national des arts astiatiques-Guimet) et il a été sélectionneur au festival Entrevues de Belfort. L’Attrait de la fête foraine est son premier livre.
La séance est suivie d'une signature de L'Attrait de la fête foraine au Studio de la Fondation.
Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).