La séance du 28 février est présentée par François Albera, le film est suivi d'une discussion*
1937 – 40min - musique enregistrée
URSS
Réalisation et scénario : Sergueï Eisenstein
Scénario : Isaac Babel, Sergueï Eisenstein, Alexandre Rjechevski
Photographie : Vladimir Nilsen, Édouard Tissé
Décors : Alekseï Outkine, Arnold Vaisfeld
Avec : Piotr Arjanov, Viktor Kartachov, Nikolaï Khmelev, Ekaterina Telechova
Stepok, un adolescent, vient de perdre sa mère battue à mort par son père, un vieux kolkhozien à qui tout l'oppose.
Format de la copie : DCP
Provenance de la copie : Cinémathèque de Toulouse
Histoire d'un film qui n'a jamais existé
Rappelé impérativement en 1932 à Moscou qu'il avait quitté en 1929 pour un long séjour qui lui fit traverser l'Europe, séjourner aux États-Unis et entreprendre le tournage de Que Viva Mexico ! au Mexique, Eisenstein dut attendre 1935 avant de pouvoir se remettre à la mise en scène (et ce, malgré de nombreux projets écrits et proposés).
Le tournage du Pré de Béjine commença en mai 1935 : il connut de nombreux déboires dus aussi bien aux conditions climatiques qu'à la santé personnelle du cinéaste. Il fut arrêté une première fois en avril 1936 sur un ordre de la Direction de l'industrie cinématographique pour des raisons idéologiques (accusation de formalisme, entre autres). Eisenstein réécrivit le scénario et recommença un nouveau tournage en août 1936. La réalisation fut définitivement interrompue le 17 mars 1937 et le film interdit. L'unique copie fut mise sous séquestre et aurait été détruite par une inondation lors de la seconde Guerre mondiale.
Avant cette mise sous séquestre, un membre de l'équipe d'Eisenstein avait découpé des photogrammes de chaque plan de la copie. Retrouvés au début des années 1960, ils ont été montés en 1967 par Naoum Kleiman et Serge Youtkévitch, d'après les notes écrites du cinéaste pour proposer un « film » en plans fixes où le mouvement est exclu de l'image même.
Il est évidemment impossible de considérer ce « montage de photogrammes » comme représentant l'œuvre envisagée par Eisenstein. La complexité de son projet artistique devait prendre sa pleine mesure avec le travail du post-tournage : surimpressions, montage, paroles, sons et musique (Le pré de Béjine aurait dû être le premier film parlant du cinéaste). Tout au plus peut-être peut-on parler de repérage et de traces d'un film qui n'a jamais existé.
Jean-Paul Gorce
*François Albera est professeur d’Histoire et esthétique du cinéma à l’Université de Lausanne, rédacteur en chef de 1895 revue d’histoire du cinéma. Spécialiste des cinémas soviétiques et français des années 1920. Auteur notamment d’Albatros, des Russes à Paris (1919-1929) (Paris-Milan, Mazzotta, 1995), il participe également à la nouvelle édition des Ecrits sur le cinéma (1917-1952) de Dziga Vertov aux Presses du Réel (2019) .