Cette année, que ce soit par hasard ou à dessein, la 42e édition des Giornate del Cinema Muto regorge de comédies et de films d'aventure – une évasion de premier ordre. Depuis
les merveilles d'Harry Piel, aux spectaculaires cascades, jusqu'au seul long métrage des frères Fratellini, Rêves de Clowns (1924), en passant par le burlesque décomplexé de la courte parodie de Mack Sennett, When a Man's a Prince (1926), les films projetés cette année, tant à Paris qu'à Pordenone, reflètent l'étonnante diversité du cinéma international à l'époque du muet. Ce qui ne veut pas dire que nous ne projetons que des films dits populistes : ainsi, on trouve aussi le chef-d'oeuvre de Louis Feuillade, Vendémiaire (1918), dans une nouvelle restauration par Gaumont réalisée à partir de la copie nitrate originale, ainsi que le superbe drame de William de Mille, Conrad in Quest of His Youth (1920), dans une nouvelle restauration de la Library of Congress.
Harry Piel a été l'un des réalisateurs les plus célèbres de l'époque, mais sa position de roi du box-office mondial a été largement oubliée. Pourtant, voilà ce qu'écrivait Les Spectacles à ce sujet, le 28 juin 1929 : « Qui, au cinéma, n'a jamais vu le fameux acrobate-artiste Harry Piel, n'a pu se rendre compte bien exactement de la valeur populaire d'un film où il apparaissait.
Tout plaît en lui, sa jeunesse, son talent et sa force physique qui le rend capable d'exécuter les plus incroyables tours pour le plus grand plaisir des spectateurs surpris, émus et à la fois amusés. » Nous projetons ici quatre de ses films, deux qu'il a réalisés – Erblich Belastet ? (1913) et Das Rollende Hotel (1918) – et deux où il est à la fois réalisateur et acteur – Der Mann Ohne Nerven (1924) et Zigano, der Brigant von Monte Diavolo (1925) – afin d'offrir l'occasion tant attendue d'apprécier à nouveau un homme dont les charmes considérables ont été décrits comme un mélange de Casanova et de Cagliostro.
Dans la continuité de l'exploration cinématographique des royaumes mythiques des Balkans, regroupés sous le titre générique de « Ruritanie », d'après le roman d'Anthony Hope Le prisonnier de Zenda, nous projetons le mélodrame espagnol La reina joven de 1916, dans le style des films italiens de l'époque, ainsi que l'amusant The Only Thing (1925) de Jack Conway, où les décors démesurés de Cedric Gibbons et les costumes extraordinaires de David Mir ajoutent un autre niveau de fantaisie au concept de « balkanisation ».
Dans le cadre de notre série sur les premières stars du western, nous vous proposons également un programme sur Harry Carey, baptisé par John Ford « l'étoile brillante du western ». Ce programme inclut la rare opportunité de voir The Fox (1921), un « super western » d'Universal longtemps considéré comme perdu, mais qui a survécu grâce au Národní Filmový Archiv, qui nous fourni également le délirant divertissement de l'âge du jazz Circé (1924), où nous pouvons enfin apprécier les talents exceptionnels de danseuse de Mae Murray. Autre western, le fascinant Hell's Heroes de William Wyler (1929), tourné dans le désert Mojave et la vallée de la Mort, retraçe avec un réalisme brûlant le parcours de « trois parrains » en rédemption.
Les premiers films ne sont pas en reste : les premiers films britanniques de la Filmoteca de Catalunya sont une délicieuse sélection de courts métrages de 1897 à 1909, couvrant un éventail de genres – des récits de voyage aux actualités et aux comédies – tandis qu'une sélection de courts métrages du Eye Filmmuseum d'Amsterdam nous permet d'apprécier la diversité des goûts et des influences du grand écrivain Pierre Loti, à l'occasion du 100e anniversaire de sa mort.
Au final, un programme de films très complet, qui témoigne de l'étendue remarquable du cinéma muet et de la richesse inouïe des archives mondiales.
Jay Weissberg
Directeur des Giornate del Cinema Muto