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FONDATION JÉRÔME SEYDOUX-PATHÉ

Cycle

Musique !

Du  14/06/23  au  13/07/23 



Bien que le cinéma soit né muet, le spectacle cinématographique n’en était pas moins musical. Dans les fêtes foraines, la musique attire le chaland, musiciens et bonimenteurs rythment le spectacle, les numéros de music-hall cèdent un peu de place aux projections, des sonorisations sur disques ou cylindres sont expérimentées, et la musique, sous la forme du simple piano ou d’un orchestre, entre de plain-pied dans la salle de cinéma. Elle s’impose pour figurer ou réhausser les intentions dramatiques des œuvres. Elle s’harmonise aux images et restitue leur présence puisque, comme l’écrivait Siegfried Kracauer, la musique « affirme et justifie le silence au lieu d’y mettre fin ».

Si l’accompagnement musical au cinéma adapte généralement des partitions préexistantes, nombreux sont ceux qui, comme Ricciotto Canudo présumant de l’apparition d’un véritable « Drame Musical de l’Écran », se réjouissent des collaborations artistiques qui naissent entre cinéastes et compositeurs. La musique originale composée par Camille Saint-Saëns pour L’Assassinat du duc de Guise d’André Calmettes et Charles Le Bargy en 1908 en est un des premiers exemples marquants.


Ce cycle met à l’honneur différentes collaborations et permet également d’explorer de nouvelles approches de ces œuvres. Ainsi, la musique de L’Inhumaine de Marcel L’Herbier – histoire d’une cantatrice impérieuse – est composée par Darius Milhaud en 1924. La partition est aujourd’hui perdue, toutefois les indications laissées inspirent de nouveaux musiciens tel que le percussionniste Aidje Tafial qui signe la musique enregistrée pour la restauration de Lobster Films. La restauration par Bruce Posner du Ballet mécanique de Fernand Léger et Dudley Murphy, avec la collaboration de Man Ray, reprend un enregistrement par le musicien expérimental Charles Armikhanian des trois rouleaux de la partition originale pour pianola conçue en 1925 par Georges Antheil. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a restauré en 2018 le film de René Clair Entr’acte en intégrant une interprétation au piano par Daniele Furlati d’après la partition originale d’Erik Satie. Elle a également restauré L’Arlésienne d’André Antoine (1922), avec une musique arrangée et composée par Günter Buchwald à partir de l’adaptation musicale d’époque de Gabriel Diot, et interprétée par l’Octuor de France.


Hormis la présentation des films avec ces musiques enregistrées pour les besoins des restaurations, les ciné-concerts tiennent le haut de l’affiche dans ce programme. Les élèves issus de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel peuvent s’emparer à leur guise des partitions et proposer leur propre interprétation au piano de l’œuvre musicale sur des films comme Salammbô de Pierre Marodon (1924), dont la partition originale fut composée par Florent Schmitt, ou La Dixième symphonie d'Abel Gance (1918) – encore une histoire de musicien – dont Michel-Maurice Lévy composa la musique.

Il n’est d’ailleurs pas anodin que le cinéma s’inspire de la vie de musiciens, chanteurs, cantatrices ou danseuses plus ou moins célèbres ou maudits, autant que des musiques du monde, pour conduire ses récits. La musique exprime et suscite les sentiments, produit parfois des effets apaisants ou thérapeutiques comme les accords du Quinzième prélude de Chopin dans le film de Viatcheslav Tourjansky (1922) ou dans Gunnar Hedes saga (Le Vieux manoir, 1923) de Mauritz Stiller qui met en scène un mélomane empêché par les contraintes familiales et sociales. Dans La Valse de l’Adieu (1928), Pierre Blanchar interprète le rôle de Frédéric Chopin, amoureux fou de Maria Wodzińska (incroyable Marie Bell) pour qui il composa cette mélodie. Anders als die Andern (Différent des autres, 1919) de Richard Oswald, avec Conrad Veidt, relate le harcèlement d’un violoniste homosexuel. C’est un des premiers films à traiter de l’homosexualité. Interdit lors de sa sortie puis brûlé par les nazis et considéré comme perdu pendant plus de quarante ans, il est réapparu et a été reconstitué par le Filmmuseum de Munich à l'aide de fragments, de photos et de documents de censure.


Certains films s’imprègnent d’une ambiance musicale propre à un lieu ou à une communauté, comme O Fado de Maurice Mariaud (1923), inspiré d’un tableau du peintre portugais José Malhoa représentant un musicien et une femme, lascive, à l’écoute. Germaine Dulac livre, dans La Folie des Vaillants (1926), un poème cinégraphique autour d’une histoire d’amour tragique chez les tsiganes. Behula est une jeune mariée indienne prête à tout pour sauver son époux, usant de ruses et de musique auprès des Dieux. Le film, restauré par la Fondation Pathé en 2022, a été tourné en Inde en 1921 par Camille Legrand. Il sera présenté lors d’un ciné-concert exceptionnel qui s’accorde sur un mélange d’instruments indiens, perses et occidentaux. Dans un tout autre genre musical, deux films de Jean Renoir avec Catherine Heesling, Sur un air de Charleston (1927) et La Petite marchande d’allumettes (1928) seront accompagnés par un trio jazz, et le chef d’œuvre de Rupert Julian The Phantom of the Opera (1925) sera mis en musique au piano par Jean-François Zygel.


La musique s’associe à la danse et la chanson avec le fabuleux Moulin rouge d’Ewald André Dupont (1928), tandis qu’Ernst Lubitsch adapte la pièce d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, Le Réveillon (également opérette) pour So This is Paris (1926) et livre une comédie enlevée, savoureusement immorale, qui célèbre l’adultère et le charleston. Enfin, nous entendrons la voix d’Al Jolson dans The Jazz Singer d’Alan Crosland (1927) et poursuivrons cette petite incursion dans le cinéma sonore avec cinq comédies musicales de genres divers : Singin’ in the Rain de Stanley Donen et Gene Kelly (1952), Casino de Paris d’André Hunebelle (1957), Trois places pour le 26 de Jacques Demy (1988), Les Chansons d'amour de Christophe Honoré (2007) et Dancer in the Dark de Lars von Trier (2000).


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