En mouvement ! Naissance du cinéma.
Le Musée d’Orsay montre jusqu’au 16 janvier 2022 Enfin le cinéma ! Arts, images et spectacles en France (1833-1907), une exposition composée de près de trois cents œuvres qui rapprochent la production cinématographique française des années 1895-1907 avec la photographie et les autres arts. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé s’associe à cette exposition et propose, du 24 novembre au 7 décembre 2021, un cycle d’une soixantaine de films répartis en séances thématiques.
Ces séances mêlent vues documentaires prises sur le vif, scènes de fiction comiques, à trucs, animées ou grivoises et films scientifiques produits entre 1895 et 1912. Elles rassemblent les premières images d’un monde en mouvement qui a stupéfié le public de l’époque. Mais pour comprendre comment le cinématographe a pu livrer un tel spectacle, il faut revenir aux films chronophotographiques datant de 1889 à 1904 d’Étienne-Jules Marey qui consacra sa vie à l'étude du mouvement animal et humain, soucieux de « voir l'invisible ». L’invisible résidant également dans le microscopique et ce que la nature humaine retient d’indécelable, le monde scientifique –Jean Comandon, Eugène Doyen, ou encore le photographe Albert Londe – s’empare de l’instrument cinématographique pour étudier la nature et les comportements, analyser les organismes, disséquer, enregistrer l’expérience pour mieux en rendre compte. Les progrès de la médecine s’accompagnent de développements retentissants dans le domaine des transports. Aéroplane, train, paquebot, automobile rendent bientôt accessible un monde jusqu’alors jugé hors de portée. Le cinéma s’imprègne de cet élan, il est le témoin et le vecteur d’un monde en mutation. Opérateur pour la société Pathé, Camille Legrand parcourt la route des Indes et l’Extrême-Orient et pourvoit les cinémas en vues exotiques appréciées du public. Les points de vue se diversifient, les désirs s’accroissent. On assiste à l’essor des villes et à l’augmentation de la population urbaine. Le travail, le commerce, les loisirs, la communication, la vie sociale et culturelle font battre le cœur des cités. Le nouveau spectateur se divertit au spectacle, dans les foires, les théâtres et les salles de cinéma. Georges Méliès, Segundo de Chomon, Ferdinand Zecca, Alice Guy, Emile Cohl lui offrent l’émerveillement. Le cinéma restitue et transcende le vivant, il est vivace et changeant. Il lui procure un formidable moyen d’assouvir sa curiosité, sa soif de découverte du monde et de ses semblables.
La séance Un monde en mouvement rassemble quelques-unes des premières images animées. Une sélection de films chronophotographiques d’Étienne-Jules Marey, datant de 1889 à 1904, couvre ses principaux sujets d'étude : locomotion animale et humaine, gymnastique, chutes du chat et lapin, photographies de la parole. Autre sujet d’étude de décomposition du mouvement : les danseuses et danseurs, dont les gestes au ralenti offrent un spectacle tout autant, si ce n’est plus, spectaculaire et envoutant. Enfin, quoi de plus réjouissant que de voir le spectacle de l’avenue de l’Opéra à Paris à l’envers, ou un farceur parvenir à accélérer le mouvement grâce à un mécanisme de son invention ?
La séance Etude de la nature, science et progrès expose la manière dont les médecins se sont emparés du cinéma pour enregistrer et étudier la nature, les organismes et les comportements humain et animal. Jean Comandon révèle la vie des êtres microscopique et dispense ses enseignements sur les bactéries et les règles d’hygiène. Lucien Bull décompose le mouvement d’une libellule. Le photographe Albert Londe observe à l’hôpital de la Salpêtrière les troubles psychiatriques alors que le chirurgien Eugène Doyen filme l’opération de séparation de deux sœurs siamoises (âme sensible s’abstenir). Emile Cohl et Alice Guy viennent animer le programme avec leur propre conception des progrès de la médecine et de la « Chirurgie fin de siècle ».
La séance L’essor des villes, toujours plus vite, toujours plus loin rend compte de l’urbanisation. Que ce soit à Paris, Moscou ou San Francisco (quatre jours avant le tremblement de terre de 1906), les villes affichent une énergie trépidante et une volonté d’expansion à travers leurs constructions et la densité de leur population. Attention à la foule et à qui ne suit pas le mouvement ! L’accroissement des moyens de transport – aéroplane, train, paquebot, automobile, tramway – rend le monde plus accessible et participe à une certaine frénésie. Même la réalisation du travail commence à être assujettie à ce rythme, et la réalisation cinématographique n’échappe pas à la règle…
La séance Au spectacle montre comment la société de loisirs et de divertissement se développe au cœur des villes. Le spectateur citadin se rend dans les foires, les théâtres et dans les salles de cinéma pour y vivre des expériences sensorielles étonnantes. Les vedettes de cinéma font déjà tourner les têtes et un certain Max Linder rencontre Charles Pathé. Le cinéma offre une formidable occasion d’assouvir sa curiosité et ses désirs. Il n’y a pas que les voisins qui soient experts en voyeurisme. Les scènes grivoises et les interminables déshabillages s’enchaînent (que l’on soit mariée ou non) et l’envie de nudité voudrait justifier toutes les mises en scène.
Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).