« Faire un film, c’est inventer une musique d’images, de sons, de rythmes; c’est composer des valeurs visuelles, sans aucune équivalence dans un autre art. »
Marcel l’Herbier (1931)
Du 19 mai au 15 juin 2021, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé rend hommage au génie de Marcel L’Herbier. Érudit avec un goût prononcé pour la littérature, « ce théoricien, esthète et ouvrier du Septième art », comme s’y réfère Jean Dréville, est saisi par la fièvre du cinéma alors qu’il assiste à une projection de Forfaiture (1915) de Cecil B. DeMille. En 1916, il se confronte directement à la matérialité de la pellicule lorsqu’il rejoint la Section Cinématographique de l’Armée où il est en charge de la réalisation d’actualités. Revenu à Paris, L’Herbier se rattache à la première avant-garde cinématographique aux côtés de Louis Delluc, Germaine Dulac, Abel Gance, René Clair et Jean Epstein partageant ce désir d’expérimenter un nouveau langage plastique, poétique et symbolique.
Repéré par Léon Gaumont, il intègre sa société pour laquelle il tourne plusieurs longs métrages. En 1919, Marcel L’Herbier entreprend la réalisation de Rose-France, un premier essai poétique aux valeurs patriotiques. Avec L’Homme du Large, il développe sa grammaire visuelle en proposant un montage et des cadrages inédits. Mais l’entente se détériore entre le producteur et le cinéaste, lequel revendique une approche artistique du cinéma et milite pour la reconnaissance du statut d’auteur. En 1921, El Dorado, tourné in situ à l’Alhambra de Grenade, cristallise leurs désaccords. Marcel L’Herbier souhaite reproduire visuellement le mal-être de son héroïne et le traduit par un jeu d’images floues, ce qui est perçu comme une défaillance technique par le producteur.
L’année suivante, Marcel L’Herbier crée sa propre société de production, Cinégraphic, afin de choisir les projets qui le passionnent tel que l’essai expérimental de son ami et collaborateur Claude Autant-Lara (Faits-divers, 1923).
Pour son premier film autoproduit, il s’intéresse à l’œuvre de Léon Tolstoï intitulée Résurrection qui n’aboutira jamais en raison de sa santé. En 1924, Marcel L’Herbier s’entoure de membres de l’avant-garde artistique tel que le peintre Fernand Léger, le décorateur Alberto Cavalcanti, l’architecte Robert Mallet-Stevens ou encore le couturier Paul Poiret pour la confection d’une « histoire féérique » mêlant arts décoratifs et futurisme : L’Inhumaine. En 1926, il collabore avec la société de production Albatros pour la transposition de l’œuvre Feu Mathias Pascal de Luigi Pirandello à l’écran. Afin de réaliser cette épopée, le personnage principal est interprété par le charismatique Ivan Mosjoukine et les lieux de prises de vues sont variés.
Pour son avant-dernier film muet, il transpose L’Argent d’Émile Zola (1891) dans la finance du Paris contemporain en s’installant dans le palais Brongniart. Il y élabore tout un répertoire de méthodes de prises de vue et propose des innovations techniques pour s’adapter à l’intérieur du bâtiment. Le quotidien de ce tournage et l’ensemble de ces inventions sont évoquées dans le moyen métrage de Jean Dréville, présent sur le plateau (Autour de L’Argent, 1928).
À l’avènement du cinéma sonore, Marcel L’Herbier poursuit sa carrière en s’inspirant d’ouvrages littéraires tel que Le Bonheur (1934) d’Henri Bernstein avec Gaby Morlay et Charles Boyer. Trois ans plus tard, il orchestre un remake de l’œuvre à l’origine de son exaltation cinématographique, Forfaiture, avec Sessue Hayakawa reprenant son propre rôle.
Également au programme : Le Bercail (1919), Le Carnaval des vérités (1920), Le Vertige (1927), Le Diable au cœur (1928), Nuits de Prince (1929) ainsi que des courts métrages dont sa conférence « Le Cinématographe et l’Espace ».
Toutes les séances sont accompagnées par les pianistes issus de la classe d'improvisation de Jean-François Zygel (CNSMDP).