* Jitka de Préval, docteur en cinéma et audiovisuel, chercheur associé à l’Institut de Recherches sur le Cinéma et l’Audiovisuel (IRCAV), Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, est spécialiste du cinéma indien. En septembre 2017, elle a soutenu sa thèse intitulée « Mélodrame de l’incompréhension dans le cinéma de Raj Kapoor (1924-1988), Inde », sous la codirection de Laurent Véray et de Térésa Faucon. Cofondatrice et trésorière de l’association Kinétraces, Jitka de Préval publie régulièrement des articles sur sa recherche en anglais et en français. Elle a participé activement à l’élaboration de deux numéros de Kinétraces Editions.
Le film est projeté en version numérique, la copie provient de Lobster Films.
« La montagne ne se livre pas avec plus de facilité à la transposition plastique ou littéraire qu’à la connaissance réelle. Il vient un instant où le récit bute contre l’impossible. Le conteur s’arrête dans un sentiment d’impuissance ; le peintre renonce devant tant de subtilités où le reflet, l’apparence se jouent des plus solides réalités. L’art doit abandonner l’idée de « représenter » pour se borner à évoquer » Pierre Leprohon, Le Cinéma et la Montagne, Les éditions J. Susse, Paris, 1944, p. 9
Si la montagne est un sujet difficile à saisir par les artistes, tel un aimant, elle a un grand pouvoir d’attraction. En dépit du danger qu’elle peut cacher, elle devient le sujet préféré des peintres romantiques avant d’être fixée par les photographes et apprivoisée par les cinéastes.
Le 26 juillet 1861, Auguste Buisson impressionne les premières plaques photographiques au sommet du Mont Blanc. En octobre 1905, au Moulin Rouge, le public découvre le documentaire Un drame sur les glaciers de la Blumlisalp. Ce film, selon les témoignages de l’époque, provoque de fortes émotions chez les spectateurs. Il est réalisé par Félix Mesguich, opérateur pionnier des frères Lumière, devenu, a force des choses alpiniste. Captant la photogénie de la montagne pour le plus grand bonheur du public, il ouvre la voie des films tournés en altitude.
Vers la fin des années 1910, une quantité de films courts de « plein air », des cartes-postales de montagne produits en France ou dans d’autres pays (en Amérique, en Suède, en Italie, Allemagne etc.) inondent le marché. Ils sont projetés avant les « long-métrages de fiction » selon la terminologie d’aujourd’hui. La montagne est alors considérée comme « un sujet particulièrement attractif » selon l’historien du cinéma Pierre Leprohon. Ainsi, ces documentaires de quelque centaines de mètres remplacent-ils progressivement les numéros d’attraction traditionnels qui composent les programmes des salles de cinéma avant de se transformer en magazines d’actualités (Pathé-Revue, Gaumont-Actualités, Aubert-Journal).
L’Ascension du Mont-Blanc en fait partie. Il décrit une expédition de randonneurs qui part de Chamonix au sommet du mont Blanc par les Bossom et les Grands Mulets.
En 1919, pour son premier film, Erich Von Stroheim, installé aux Etats Unis depuis 1909, choisit d’adapter son propre texte-scénario The Pinacle. Le studio Universal, producteur du film, impose un titre plus vendeur Blind husbands (Maris aveugles). Ce film est construit autour d’un faux-semblant de triangle amoureux sur fond de décor des montagnes de Tyrol. Dans ce film, Stroheim crée, pour la première fois, son personnage d’inquiétant séducteur, officier dépravé. La montagne devient alors un justicier moral, d’où le titre français La Loi des montagnes.
Jitka de Préval